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#Santé

Recherche en ophtalmologie, la piste du venin de serpent

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OPTICIENS ORTHOPTISTES OPHTALMOLOGISTES
08/12/2025

Et si un composant du venin de serpent permettait de freiner la DMLA humide et la rétinopathie diabétique ? C’est le pari qu’ont fait Xavier Guillonneau et son groupe spécialisé dans les maladies vasculaires rétiniennes. Interview.

©Xavier Guillonneau

 

 

 

Xavier Guillonneau

Chercheur Inserm à l’Institut de la Vision, en charge d’un groupe qui étudie l’implication des mécanismes inflammatoires dans les maladies vasculaires rétiniennes, au sein de l’équipe « Inflammation dans les pathologies de la rétine » dirigée par Florian Sennlaub.

 

 

 

L’idée d’utiliser les venins de serpent comme source de molécules thérapeutique n’est pas nouvelle. Les milliers de composants qu’ils renferment font en effet partie des grands réservoirs de candidats médicaments explorés en biotechnologie. « Toutes ces molécules ont des petites propriétés différentes et c’est leur somme qui va permettre de stopper une proie, de l'empêcher de bouger pour pouvoir la manger. Mais individuellement, elles peuvent également avoir des intérêts thérapeutiques, lorsqu'elles jouent sur une partie d'un processus qui vous intéresse » précise Xavier Guillonneau. 

 

UNE MOLÉCULE CANDIDATE INTÉRESSANTE 

Les travaux exploratoires du chercheur et de son équipe sur la question datent de près de 10 ans. Pour explorer le potentiel des venins, Xavier Guillonneau se rapproche alors des Institut Pasteur (IP), qui restent en charge de la fabrication des sérums anti-venin. Il travaille plus particulièrement avec celui de Tunis, qui a isolé plusieurs molécules qui semblent pouvoir empêcher in vitro la prolifération des cellules endothéliales, qui forment les vaisseaux. Une thèse en cotutelle entre les deux instituts, réalisée par Fadoua Montassar, va permettre de tester l'effet de trois molécules candidates sur la formation de néovaisseaux dans l'œil. 
Parmi celle-ci, la lébécétine (LCT), une molécule extraite du venin de la vipère Vipera lebetina, présente un effet anti angiogénique. Mais contrairement au traitement classique, qui cible le facteur de croissance des vaisseaux, le VEGF, la LCT fonctionne via un autre mécanisme. « Elle cible une classe de protéines, les intégrines, qui permet la progression physique des vaisseaux sanguins. Là où le VEGF guide la croissance des vaisseaux, leur sert de boussole, les intégrines permettent très concrètement aux cellules de la paroi vasculaire de s’accrocher à la matrice extracellulaire des cellules environnantes. La LCT va empêcher que cette jonction se fasse, bloquant la croissance des néo-vaisseaux » explique Xavier Guillonneau. De plus, les différents tests ont permis de confirmer non seulement que la LCT bloquait la progression des néo-vaisseaux, mais qu’elle permettrait même de les faire régresser. Des injections tests dans des yeux sains de souris ont démontré que la LCT ne présentait pas de toxicité, ni pour les vaisseaux matures, ni pour d’autres types cellulaires et qu’elle se fixait très spécifiquement sur les néovaisseaux. Elle ne semble pas non plus migrer vers le cerveau ou vers l’autre œil. Autant de caractéristiques qui en font un candidat médicament très intéressant comme traitement alternatif ou complémentaire des anti-VEGF contre la prolifération vasculaire caractéristique des DMLA humides et des rétinopathies diabétiques prolifératives. « Dans le cas de la rétinopathie diabétique, le traitement préventif par photo-coagulation laser donne de très bons résultats en première intention. La LCT pourrait ici être utilisée en seconde intention, chez des patients qui continueraient de développer une forme proliférative. Il y a aussi l’enjeu des œdèmes maculaires fréquemment associés à ces pathologies, qui sont très facilement résorbés par les anti-VEGF. C’est quelque chose que l’on n’adresse pas encore avec la LCT » tempère Xavier Guillonneau. 

 

UN NOUVEAU MÉCANISME D’ACTION POUR AGRANDIR L’ARSENAL THÉRAPEUTIQUE 

Parce que les deux molécules, anti-VEGF et LCT, fonctionnent via deux récepteurs et selon deux cascades de signalisation très largement indépendantes, la LCT peut se révéler une excellente alternative aux anti-VEGF. Cette dernière a révolutionné la prise en charge de la dégénérescence maculaire liée à l’âge, qui ne connaît pas d’autres traitements, et dans une certaine mesure de la rétinopathie diabétique. Mais elle semble avoir atteint ses limites. « Ces dernières années nous n'avons pas assisté à de nouvelle révolution des anti-VEGF qui aurait augmenté leur efficacité par exemple en rendant possible d'espacer réellement les injections » déplore Xavier Guillonneau. En effet, le fait qu’ils doivent être injectés presque tous les mois, le plus souvent à l’hôpital pour une meilleure prise en charge, est une contrainte importante pour les patients. Même si dans les faits, et grâce à l’évolution du suivi du fond d’œil, les injections sont souvent espacées pour n’être effectuées qu’en cas de nécessité, cela représente tout de même six injections par an en moyenne. Enfin, certains patients répondent mal aux anti-VEGF, voire développent des résistances, ce qui nécessite de changer régulièrement de molécule. 
Trouver des molécules anti-angiogéniques qui aient un mécanisme d’action différent des anti-VEGF est donc un sujet de santé publique important. La possibilité d’espacer les injections est quant à elle un enjeu de qualité de vie très pressant pour les patients. « D’autant que les patients atteints de DMLA humide sont souvent âgés, et qu’il vaut mieux éviter de les déplacer et de les amener à l’hôpital trop souvent » souligne Xavier Guillonneau. Le chercheur et ses collaborateurs de l’IP Tunis ont donc déposé un brevet sur l’utilisation de la molécule en ophtalmologie uniquement, l’oncologie étant l’autre grand domaine d’application des anti-angiogéniques, qui s’y révèlent d’ailleurs généralement moins efficaces. 

 

©DR

 

 

SYNTHÉTISER POUR TESTER 

Grâce au soutien financier de la SATT* Lutech, qui est partenaire de Sorbonne Université, le chercheur et son équipe se sont attelés à la synthèse d’une lébécétine de grade recherche, pour pouvoir mener à bien leurs expériences d’efficacité et d’innocuité. En effet, la molécule n’est pas présente en quantité suffisante à l’état naturel pour qu’il soit possible de la purifier à partir du venin de vipère. L’objectif pour les chercheurs étaient de mettre au point un processus de fabrication qui puisse ensuite changer d’échelle pour assurer une production industrielle. Un petit défi car « la lébécétine n’est pas une protéine en un morceau, mais un petit dimère. Il faut donc synthétiser deux monomères qui vont ensuite s'associer » précise Xavier Guillonneau. 
Cette première étape s’est passée relativement facilement, et a permis de valider que la LCT synthétique avait les mêmes caractéristiques que celle présente dans le venin de serpent. Mais pour pouvoir la transférer en clinique, il est nécessaire de modifier un peu le processus de production et de purification actuel, une étape sur laquelle les chercheurs travaillent toujours. Si la mise au point d’un anticorps spécifique pour purifier la molécule est maintenant accomplie, reste à trouver comment convaincre les lignées cellulaires utilisées de produire la protéine de façon stable, sur le long terme. Une fois cette question résolue, Xavier Guillonneau et ses collègues seront en possession d’un système de production de la LCT sous sa forme finale, utilisable pour des essais cliniques et des traitements. 

 

UNE COOPÉRATION FRANCO-INDIENNE POUR ESPACER LES TRAITEMENTS

L’autre pan de la recherche en cours s’intéresse à la galénique souhaitée pour ce médicament : un injectable à libération lente, qui permette de diminuer la fréquence des injections. Toujours par l’intermédiaire de la SATT* Lutech, Xavier Guillonneau est ainsi entré en contact avec une entreprise pharmaceutique indienne, Lamark, qui exploite dorénavant le brevet de la LCT. Celle-ci développe une solution d’enrobage des molécules thérapeutiques qui permet leur stockage à température ambiante (une fonction très utile pour généraliser l'utilisation des molécules thérapeutiques à tous les pays) mais aussi leur libération lente dans l’organisme. Leur technologie brevetée consiste à créer un gel à mailles larges qui va contenir la protéine d’intérêt. Ce gel est ensuite cristallisé, enfermant les molécules actives dans une espèce de coque qui évite leur dégradation et permet leur libération lente et prolongée. 
La phase de développement en cours, est maintenant menée conjointement entre Lamark et Xavier Guillonneau et est financée par plusieurs sources, dont l'Union Européenne à travers le programme « Marie Curie » porté par le Généthon, ainsi que le CEFIPRA, un programme de coopération scientifique entre l'Inde et la France. Ces financements ont permis de poursuivre les recherches, notamment grâce à l'arrivée d'Avtar Sain, un chercheur post-doctorant indien, au sein de l'équipe. « C’est un spécialiste de la production des protéines. Il travaille à la mise au point de ce process, qu'on pourrait faire monter en puissance ou donner clé en main à un industriel qui serait capable de faire une plus grosse production » détaille Xavier Guillonneau, « un programme de recherche entre l'INSERM et l'ICMR (son équivalent indien) va nous permettre d'identifier les patients les plus à même de bénéficier de ces nouveaux traitements indépendants du VEGF. » 

©DR

 

DÉVELOPPER POUR MIEUX TRANSFÉRER 

En effet, si le chercheur espère pouvoir pousser le produit jusqu’au développement pré-clinique, voire jusqu’au design d’un essai clinique, les phases de développement ultérieures demandent généralement l’implication de nouveaux partenaires, avec une expertise et des capitaux permettant de procéder au recrutement des patients et à la tenue des différentes phases des essais cliniques. « C’est toujours un peu compliqué à comprendre pour le grand public. Nous faisons de la recherche publique, mais les fonds publics ne suffisent pas pour mener les recherches jusqu’au bout de leur développement, car les sommes en jeux deviennent très importantes. Si nous voulons que cette molécule soit utile aux patients in fine, il faut donc qu’elle soit à un moment protégé par un brevet pour qu'un industriel puisse la prendre en main » précise Xavier Guillonneau. 
Selon le chercheur, le passage au stade des essais cliniques pourrait se faire relativement rapidement. « Il faut rester optimiste. En ophtalmologie on peut aller assez vite car ce sont des injections locales, et on a montré que les molécules de tailles équivalentes à la LCT ne sortaient pas de l’œil. En revanche, la nouvelle formulation que nous développons avec Lamark n'a jamais été utilisée dans l'œil, les autorités sanitaires nous demanderont peut-être plus de garanties qu’avec les protéines recombinantes utilisées classiquement. On peut espérer un essai clinique dans les 2 à 5 ans » conclut-il.
Propos recueillis par Aline Aurias.

*Sociétés d’Accélération du Transfert de Technologies créées dans le cadre du Programme des Investissements d’Avenir (PIA)

 

 

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